3. Le départ vers l’inconnu

Les béorites étaient des gens d’ordre et de tradition. Pour leur dernière expédition dans les contrées vikings de Ramusberget, l’équipage avait été choisi par Banry. Cette fois encore, le chef du village et capitaine du drakkar lança un appel à Upsgran pour recruter des aventuriers.

Helmic l’Insatiable accourut à la taverne pour inscrire son nom tout en haut de la liste des volontaires. Ce béorite était vraiment différent des autres ! Non pas par son courage et par sa force, mais plutôt par son allure physique. Contrairement à ses semblables, il était chauve et imberbe. De petites oreilles, des yeux perçants, une bonne bedaine, des muscles solides et une insatiable envie d’aventures et de découvertes faisaient de ce guerrier un compagnon de voyage idéal. Il fut d’ailleurs le premier choisi par Banry.

De la longue liste de volontaires, Piotr le Géant fut aussi sélectionné. Cet homme-grizzli de près de deux mètres avait la force d’un demi-dieu et le courage d’une armée de Vikings. Ses deux longs favoris tressés en nattes lui donnaient une allure de barbare sauvage. En réalité, il n’y avait pas plus doux que ce colosse de deux cents kilos.

Les frères Azulson, Goy et Kasso furent également choisis, Kasso pour ses qualités de navigateur et Goy pour son ardeur à la rame et au combat.

Banry prit aussi Alré la Hache, principalement pour son endurance physique et son éternelle bonne humeur. Une hache dans chaque main, ce béorite se transformait en véritable tornade dans les batailles. Il était également de très agréable compagnie !

Rutha Bagason dite la Valkyrie, la seule femme du groupe, allait, elle aussi, prendre part à l’aventure. Cette guerrière avait la force de trois hommes et le souci du travail bien fait. C’était elle qui s’occupait de l’approvisionnement du navire. Elle pensait toujours à tout et savait prévoir l’imprévisible.

Hulot Hulson, dit la Grande Gueule, le héros des contrées de Ramusberget, le béorite qui, disait-on, avait tué le dragon d’un seul coup d’épée, n’avait pas mis son nom sur la liste. Il vantait constamment son courage face au dragon, mais refusait, en prétextant une mauvaise grippe, de participer à une nouvelle aventure. En réalité, tout le monde savait bien que Hulot était mort de peur et qu’il ne voulait pas risquer sa vie. Pour rire un peu, ce furent Piotr, Alré et Goy qui l’inscrivirent sur la liste ! À son grand désarroi, Hulot fut choisi par Banry. Celui-ci déclara en riant que son drakkar ne pouvait pas se passer d’un aussi grand héros à son bord et que c’était uniquement pour cette raison qu’il avait été sélectionné ! Quand Hulot apprit la nouvelle, il régurgita son petit-déjeuner tant la peur le tenaillait.

En incluant Béorf et Amos, l’équipage était complet. Geser Michson dit la Fouine et Chemil Lapson dit les Doigts de fée, compagnons de l’aventure de Ramusberget, acceptèrent avec regret le verdict de Banry. Plusieurs autres béorites, bons guerriers et valeureux marins, furent également laissés de côté.

On chargea le drakkar comme un navire marchand. Les béorites avaient la mauvaise habitude d’amener d’incroyables quantités de nourriture. Il y avait des saucisses séchées, du poisson salé, du miel et des noix. Des quartiers complets de sangliers soigneusement fumés, des patates en quantité, toutes sortes de pâtés, de terrines et de tartes. Des pommes et des myrtilles en pot, des œufs durs, quelques tonneaux de vin, plusieurs d’eau potable, des gâteaux, des galettes et différentes purées de légumes. Dans ce drakkar, il y avait de quoi nourrir une armée !

En plus de la nourriture, il y avait des armes, des armures, des boucliers, des casques, des lances de diverses tailles, la grande tente commune, des lampes à l’huile et le matériel nécessaire à la navigation. Tout ce bataclan laissait peu d’espace pour vivre à bord. Heureusement, l’équipage était peu nombreux.

Durant les jours précédant le départ, Amos remarqua avec amusement qu’un gros corbeau noir, toujours posé sur la même branche, les regardait avec attention. Il ne détachait pas ses yeux du navire. Était-ce un bon ou mauvais présage ? L’équipage allait bientôt le savoir.

La veille de l’appareillage, Amos se rendit chez Sartigan pour sa dernière leçon. Le maître avait l’air soucieux. Il lui confia :

— Je sens de mauvaises vibrations. Il y a quelqu’un qui vous veut du mal… Je n’arrive pas clairement à expliquer ce que je ressens…

Fais attention à toi. Tu es très malin, mais il y a des forces dans ce monde qui le sont plus que toi. On essaiera de te tendre un piège. Béorf est aussi menacé… Je le sens bien. Garde toujours la tête froide et conserve ta vivacité d’esprit. Ne te laisse pas embrouiller !

— Très bien, répondit Amos, un peu ébranlé. Je ferai très attention à moi et je préviendrai Béorf de se tenir sur ses gardes.

— Une autre chose, continua Sartigan, tu vas amener l’œuf de dragon avec toi. J’ai décidé de partir quelque temps…

— Où irez-vous, Maître ? demanda le jeune porteur de masques, très surpris.

— Tu as ta voie à suivre et j’ai la mienne, lança amicalement le vieillard qui désirait garder son secret.

— Alors, faites bien attention à vous ! Je ne voudrais pas vous perdre, j’ai encore beaucoup à apprendre.

— Non, tu ne me perdras pas… J’annule ta leçon d’aujourd’hui. Je donnerai l’œuf à Béorf lorsque je le verrai cet après-midi. Je lui demanderai de le cacher dans le drakkar. Il est habile pour dissimuler des choses. Malgré la taille de cet œuf, je suis sûr qu’il le cachera bien.

— C’est un gros risque que nous prenons en emportant cet œuf !

— Oui, mais je… Enfin, c’est un risque calculé, disons… Pars et bonne chance, mes pensées t’accompagnent !

— Au revoir et soyez prudent aussi ! lui lança Amos en quittant la petite maison.

*   *

*

L’équipage se mit en route dans la fraîche matinée d’une belle journée de printemps. Tout le village était rassemblé au port pour saluer les aventuriers. Le vent s’engouffra dans la voile, et le drakkar vogua dans le soleil levant. Les béorites, ramant avec énergie, avaient fière allure ! À la poupe, Banry tenait le gouvernail tandis que Kasso, à ses côtés, regardait les cartes maritimes. À bâbord, les rames étaient manœuvrées par Béorf à l’avant, Alré la Hache et Helmic l’Insatiable au milieu, et Rutha la Valkyrie à l’arrière. À tribord, Amos était à la proue, Goy et Hulot au milieu et Piotr le Géant à l’arrière. Le voyage débuta dans l’allégresse et la joie, les rameurs suivant le rythme d’une chanson à répondre.

Au début de l’après-midi, Kasso demanda l’assistance d’Amos. Banry remplaça le garçon à l’avant du drakkar, et le navigateur prit la barre.

— Regarde, Amos, je viens de trouver dans mes livres de voyage une note très étrange. Il s’agit d’un bouquin de navigation qui a appartenu à mon arrière-grand-père. Selon ses écrits, lui et son équipage étaient arrivés par mégarde à une grande barrière de brume infranchissable. Il écrit que l’Homme gris veille sur cette barrière et qu’aucun humain n’est autorisé à la franchir. Connais-tu cet Homme gris ?

— Cela ne me dit rien, mais je vais chercher…, répondit Amos en se dirigeant vers l’endroit où se trouvait son sac de voyage.

Il y prit son grand livre noir : Al-Qatrum, les territoires de l’ombre. Ce bouquin, qu’il avait emprunté dans la grande bibliothèque du défunt père de Béorf, contenait une foule de renseignements sur les créatures étranges et insolites du monde. Amos y avait déjà trouvé quantité d’informations utiles.

Ainsi, sur la route qui l’avait mené à Upsgran, le porteur de masques avait appris ce qu’étaient les molosses hurlants. Ces gros chiens noirs, gardiens de trésors, s’étaient volatilisés devant ses yeux pour s’incarner magiquement dans un collier. Sans Al-Qatrum, Amos n’aurait absolument rien compris à ce phénomène ! Il avait donné le collier à Béorf. Depuis ce jour, le gros garçon le portait en tout temps.

En cherchant bien dans le livre, Amos découvrit qui était l’Homme gris. Aussi appelé Far Liath, An Fir Lea ou Brolaghan, ce géant semblait être le gardien d’un lieu nommé « la Grande Barrière ». Son corps, constitué de brume marine, apparaissait quand le brouillard était très dense. Sa mission était de couler les navires pour empêcher les humains de franchir le seuil du monde. Al-Qatrum le décrivait comme une créature immense, impossible à vaincre. Plusieurs très bons navigateurs avaient jadis essayé de traverser l’Homme gris et son mur de brouillard. Ils n’étaient jamais revenus de leur voyage.

— Ce n’est pas rassurant ! s’exclama Kasso lorsque le jeune porteur de masques lui fit part de sa découverte. As-tu un plan, Amos ?

— Non, pas encore. Il est évident que nous croiserons cet Homme gris sur notre route et il nous faudra réussir là où les autres ont échoué. Je vais devoir y penser très sérieusement…

— Oui, penses-y bien ! Au rythme où nous naviguons, je ne serais pas surpris de le voir dans quelques semaines. Cela peut paraître long, mais c’est très peu de temps pour nous préparer à cette rencontre. Tu sais, ce drakkar doit aller où jamais un béorite n’a mis les pieds et…

— Pardon ? dit Amos brusquement.

— Je dis que jamais un béorite n’a mis les pieds là où…, répéta Kasso avant de se voir interrompre à nouveau.

— Mon cher Kasso, l’interrompit le garçon avec un grand sourire, tu viens tout juste de me donner la solution pour traverser ce mur de brouillard et convaincre l’Homme gris de nous laisser passer !

— Comment ? demanda le navigateur, étonné.

— Tu vas voir… dit Amos en lui faisant un clin d’œil. J’ai mon plan… Je vous l’expliquerai plus tard.

 

La Malédiction de Freyja
titlepage.xhtml
Perro,Bryan-[Amos Daragon-04]La Malediction de Freyja(2003).French.ebook.AlexandriZ_split_000.html
Perro,Bryan-[Amos Daragon-04]La Malediction de Freyja(2003).French.ebook.AlexandriZ_split_001.html
Perro,Bryan-[Amos Daragon-04]La Malediction de Freyja(2003).French.ebook.AlexandriZ_split_002.html
Perro,Bryan-[Amos Daragon-04]La Malediction de Freyja(2003).French.ebook.AlexandriZ_split_003.html
Perro,Bryan-[Amos Daragon-04]La Malediction de Freyja(2003).French.ebook.AlexandriZ_split_004.html
Perro,Bryan-[Amos Daragon-04]La Malediction de Freyja(2003).French.ebook.AlexandriZ_split_005.html
Perro,Bryan-[Amos Daragon-04]La Malediction de Freyja(2003).French.ebook.AlexandriZ_split_006.html
Perro,Bryan-[Amos Daragon-04]La Malediction de Freyja(2003).French.ebook.AlexandriZ_split_007.html
Perro,Bryan-[Amos Daragon-04]La Malediction de Freyja(2003).French.ebook.AlexandriZ_split_008.html
Perro,Bryan-[Amos Daragon-04]La Malediction de Freyja(2003).French.ebook.AlexandriZ_split_009.html
Perro,Bryan-[Amos Daragon-04]La Malediction de Freyja(2003).French.ebook.AlexandriZ_split_010.html
Perro,Bryan-[Amos Daragon-04]La Malediction de Freyja(2003).French.ebook.AlexandriZ_split_011.html
Perro,Bryan-[Amos Daragon-04]La Malediction de Freyja(2003).French.ebook.AlexandriZ_split_012.html
Perro,Bryan-[Amos Daragon-04]La Malediction de Freyja(2003).French.ebook.AlexandriZ_split_013.html
Perro,Bryan-[Amos Daragon-04]La Malediction de Freyja(2003).French.ebook.AlexandriZ_split_014.html
Perro,Bryan-[Amos Daragon-04]La Malediction de Freyja(2003).French.ebook.AlexandriZ_split_015.html
Perro,Bryan-[Amos Daragon-04]La Malediction de Freyja(2003).French.ebook.AlexandriZ_split_016.html
Perro,Bryan-[Amos Daragon-04]La Malediction de Freyja(2003).French.ebook.AlexandriZ_split_017.html
Perro,Bryan-[Amos Daragon-04]La Malediction de Freyja(2003).French.ebook.AlexandriZ_split_018.html
Perro,Bryan-[Amos Daragon-04]La Malediction de Freyja(2003).French.ebook.AlexandriZ_split_019.html
Perro,Bryan-[Amos Daragon-04]La Malediction de Freyja(2003).French.ebook.AlexandriZ_split_020.html
Perro,Bryan-[Amos Daragon-04]La Malediction de Freyja(2003).French.ebook.AlexandriZ_split_021.html
Perro,Bryan-[Amos Daragon-04]La Malediction de Freyja(2003).French.ebook.AlexandriZ_split_022.html
Perro,Bryan-[Amos Daragon-04]La Malediction de Freyja(2003).French.ebook.AlexandriZ_split_023.html
Perro,Bryan-[Amos Daragon-04]La Malediction de Freyja(2003).French.ebook.AlexandriZ_split_024.html
Perro,Bryan-[Amos Daragon-04]La Malediction de Freyja(2003).French.ebook.AlexandriZ_split_025.html